Page:Sée - Les Origines du capitalisme moderne.djvu/173

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8. Conclusion. — En dernière analyse, vers le milieu du XIXe siècle, l’avènement du régime capitaliste s’annonce clairement, mais ce n’est pas encore un fait accompli. Son triomphe n’aura lieu que plus tard. Même dans les pays où l’évolution a été la plus rapide, bien des traits de l’ancienne organisation subsistent. En matière industrielle, la concentration est loin de s’être partout produite ; on ne peut guère parler encore d’ « intégration » ; nulle part ne se sont formés des cartels ou des trusts. L’organisation du crédit, le régime bancaire, malgré de très grands progrès, sont encore relativement rudimentaires. Et que dire de pays, comme les États de l’Europe Orientale et même de l’Europe méridionale, où le capitalisme, n’apparaît encore le plus souvent que de l’extérieur !

Remarquons encore que, vers 1850, c’est seulement en Angleterre que la concentration géographique de l’industrie semble près de s’achever. En aucun autre pays non plus, on ne perçoit au même point l’une des conséquences les plus curieuses des progrès du capitalisme et de la grande industrie : nous voulons dire l’accroissement de la population, accroissement sans lequel, suivant la remarque de Sombart, le plein triomphe de ce capitalisme n’eût pas été possible[1].

Le régime capitaliste, qui, longtemps embryonnaire, avait mis tant de siècles à se préparer, a eu une lente, pénible adolescence. Même au XXe siècle, l’évolution est loin d’être pleinement achevée. Telle est sans doute l’une des raisons qui expliquent la solidité du capitalisme moderne ; ce n’est pas une œuvre artificielle ; des milliers de causes ont contribué à l’édifier. Il est donc probable qu’une révolution sociale brusque, catastrophique, sera incapable de le mettre à bas, contraire-

  1. W. Sombart, Der Bourgeois.