Page:Sée - Les Origines du capitalisme moderne.djvu/189

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catégorie à laquelle ils appartiennent, et, en fin de compte, ce sont leurs intérêts de famille qui leur tiennent le, plus à cœur. La noblesse aux États de Bretagne se préoccupe surtout de ses privilèges, en tant que constituant l’ordre le plus influent de l’assemblée. Dans ses démêlés avec le gouvernement royal ou ses représentants, il aurait des chances sérieuses de l’emporter s’il combinait ses efforts avec ceux du Parlement de Bretagne, qui, au XVIIIe siècle du moins, se compose exclusivement de nobles. Il ne le fait pas, et le Parlement, de son côté, songe surtout à ses intérêts particuliers ; il obéit à l’esprit de corps, plus encore qu’à ses intérêts de classe. En somme, la noblesse, pas plus que les autres classes, avant la Révolution, n’a une idée nette de ses intérêts collectifs.

En 1789, lorsque les privilégiés se défendent contre les revendications du Tiers État, c’est surtout un ensemble de privilèges particuliers qu’ils s’efforcent de sauvegarder, sans se sentir vraiment solidaires les uns des autres. Les non privilégiés, au contraire, se rendent compte qu’ils ont tous les mêmes revendications à soutenir, les mêmes abus à combattre, et c’est pourquoi, faisant bloc contre les premiers ordres de l’État, ils sentent qu’ils représentent vraiment la nation. Mais ni la bourgeoisie, ni même les paysans ne considèrent qu’ils forment des classes bien définies. On sait combien de catégories distinctes comprend la bourgeoisie des villes. Dans les campagnes, propriétaires aisés et petits propriétaires, fermiers ou métayers, journaliers dénués de propriété : autant de catégories distinctes, dont les intérêts sont souvent bien différents. Et c’est ainsi que, pour la mise en valeur des terres incultes, s’opposent les propriétaires aisés et la masse des paysans : celle-ci veut conserver ses droits d’usage sur les « communaux », que les premiers ont, au con-