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que le commerce de l’argent, comme le démontre très fortement MM. Moses, Hofmann[1] et Kulischer.

Enfin, l’Église, dès le Moyen âge, apparaît comme une puissance financière internationale. Les évêques, les chapitres, les abbayes possédaient de grandes propriétés foncières ; il leur fallait s’occuper de la vente de leurs produits, de leurs grains et de leurs laines ; ils ont donc été amenés à faire du commerce, d’abord pour leur propre compte, puis pour le compte des autres, en dépit des décisions de conciles, qui le leur défendaient, et qui sont d’autant plus fréquentes que leurs canons étaient constamment violés. Le commerce des marchandises entraîna les puissances ecclésiastiques à faire le commerce de l’argent ; les monastères devinrent de véritables établissements de crédit[2]. Et ce fut surtout le cas des grands ordres militaires, qui, en tous pays, avaient des commanderies, et qui, par conséquent, avaient toute facilité pour se livrer aux lucratives pratiques des changes. C’est ainsi que l’Ordre Teutonique se préoccupe autant de ses transactions commerciales et financières que de l’évangélisation des Slaves, encore païens. Les Templiers, à qui les grands de ce monde confiaient des dépôts de métaux précieux et d’argent, qui prêtaient aussi des sommes considérables aux nobles, aux princes et aux rois, dont ils devinrent réellement les trésoriers, et qui se livraient à toutes les opérations de banque, accumulèrent tant de richesses qu’ils tentèrent la cupidité d’un souverain, toujours à court d’argent, de Philippe le Bel, ce qui explique leur scandaleux procès et la destruction de leur ordre[3].

  1. Der Geldhandel der deutschen Juden waehrend des Mittelalters (Forsehungen, de Schmoller, 1910).
  2. Notamment grâce à de nombreux achats de rentes foncières comme le montre M. Génestal pour la Normandie ; les abbayes jouent, au XIIIe siècle, le rôle de « banques agricoles ».
  3. Voy. Léopold Délisle, Les opérations financières des Templiers Mém. de l’Académie des Inscriptions, tome 33, 1889).