Page:Ségur - Comédies et proverbes.djvu/244

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devais ! C’est pourtant hier que le brigadier t’attendait pour ton permis de séjour.

Valentin.

Faites excuse, monsieur le gendarme, je croyais avoir jusqu’à ce soir ; et comme j’avais une commande pressée…

Le gendarme.

La commande n’y fait rien ! Un forçat libéré est, avant tout, forçat, et si ce n’était pas la première fois que tu manques à te présenter au brigadier au jour voulu, je t’emmènerais à la face du bourg.

Valentin.

Je vous remercie de votre bon procédé, monsieur le gendarme. Soyez sûr que je serai exact à l’avenir.

Le gendarme, avec plus de douceur.

Et tu feras bien. Si on te savait forçat dans le pays, tu perdrais bientôt tes pratiques.

Valentin.

Hélas ! oui, je le sais. Et la misère viendrait comme jadis. Et pourtant je me sens redevenu honnête homme. J’ai horreur de la paresse, de l’ivrognerie, du jeu, de la malhonnêteté surtout. Je sens que je mourrais de faim plutôt que de commettre une méchante action.

Le gendarme.

C’est bien, mon pauvre garçon ! Je te crois et je ne me fais pas faute de serrer la main d’un brave homme, fût-il forçat. (Il tend la main à Valentin, qui la saisit, la serre fortement dans les siennes et veut parler ; mais il se sent ému, et il reprend son travail sans mot dire.) Pauvre garçon ! Courage, mon ami ; ce n’est pas nous autres gendarmes qui te trahirons, tu sais