Page:Ségur - Diloy le chemineau, Hachette, 1895.djvu/240

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le prendre bien vite pour jardinier. Il est évident qu’elle le désire ainsi que mon oncle.

Félicie.

Mais, à présent que j’ai dit non, je ne peux plus dire oui.

Gertrude.

Pourquoi pas ? tu as dû répondre sans avoir cinq minutes pour réfléchir. À présent que tu as réfléchi, tu réponds sagement après avoir vu ce qu’il y avait de mieux à faire.

Félicie.

Si tu savais combien il m’en coûte de faire un si grand effort pour un homme qui est tellement au-dessous de moi et qui ne me sera d’aucune utilité. »

Gertrude réprima le sentiment de mécontentement que lui donnait cette réponse orgueilleuse et égoïste de Félicie, et reprit doucement :

« Je crois, ma pauvre Félicie, que là encore tu te trompes ; ce brave homme n’est pas au-dessous de toi, car il a des sentiments excellents et généreux ; il est modeste, il est honnête, il est bon, reconnaissant. Ce n’est pas parce qu’il est ouvrier qu’il est moins que nous. Rappelle-toi que Notre-Seigneur a été ouvrier, un pauvre charpentier ; que presque tous les saints apôtres étaient de pauvres gens. Et quant à ce que tu dis qu’il ne te sera jamais utile, vois s’il t’a été inutile aujourd’hui et le jour du combat de l’ours.

Félicie.

C’est vrai ce que tu dis là ; mais je ne suis pas encore décidée. J’attendrai. »