Page:Ségur - Diloy le chemineau, Hachette, 1895.djvu/324

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un bon sentiment faisait disparaître la froideur hautaine qui la déparait. Mais ce n’étaient que des éclairs, tandis que Gertrude était constamment embellie par l’expression douce, bonne, intelligente et affectueuse de son regard. Il en résultait que l’une était belle et désagréable, l’autre pas jolie et charmante.

Mme d’Orvillet, Mme de Saintluc et le général se promenaient dans une allée couverte qui longeait le chemin qu’avaient suivi les deux cousines ; on les voyait parfaitement à travers le feuillage qui abritait à leurs yeux l’oncle et ces dames.

Gertrude s’était arrêtée dans le feu de sa conversation ; elle restait immobile, contemplant sa cousine avec douceur et pitié. Félicie souriait d’un air incrédule.

« Regarde-les donc, dit le général à voix basse.

— Comme Gertrude est bien ! répondit de même Mme d’Orvillet.

Le général.

Superbe ! Je ne l’ai jamais vue ainsi. Ce que c’est qu’une belle âme ! »

Ils restèrent en contemplation sans bouger, sans parler. Petit à petit l’émotion de Gertrude se fit jour : ses yeux se remplirent de larmes.

La physionomie de Félicie s’adoucissait ; son regard hautain faisait place à l’attendrissement, et, d’un mouvement inattendu, presque involontaire, elle se jeta au cou de Gertrude.

« Oh ! Gertrude ! que tu es bonne ! J’ai honte de moi-même quand je me compare à toi. Tu es un