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LES MALHEURS DE SOPHIE

voyant pas remuer, elle les examina attentivement et vit qu’ils étaient tous morts. Sophie devint rouge comme une cerise.

« Que va dire maman ? se dit-elle. Que vais-je devenir, moi, pauvre malheureuse ! Comment faire pour cacher cela ? »

Elle réfléchit un moment. Son visage s’éclaircit ; elle avait trouvé un moyen excellent pour que sa maman ne s’aperçût de rien.

Elle ramassa bien vite tous les poissons salés et coupés, les remit dans une petite assiette, sortit doucement de la chambre, et les reporta dans leur cuvette.

« Maman croira, dit-elle, qu’ils se sont battus, qu’ils se sont tous entre-déchirés et tués. Je vais essuyer mes assiettes, mon couteau, et ôter mon sel ; ma bonne n’a pas heureusement remarqué que j’avais été chercher les poissons ; elle est occupée de son ouvrage et ne pense pas à moi. » Sophie rentra sans bruit dans sa chambre, se remit à sa petite table et continua de jouer avec son ménage. Au bout de quelque temps elle se leva, prit un livre et se mit à regarder les images. Mais elle était inquiète ; elle ne faisait pas attention aux images, elle croyait toujours entendre arriver sa maman.

Tout d’un coup, Sophie tressaille, rougit ; elle entend la voix de Mme de Réan, qui appelait les domestiques ; elle l’entend parler haut comme si elle grondait ; les domestiques vont et viennent ;