Page:Ségur - Les petites filles modèles.djvu/93

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Camille, avec gaieté.

Pas rouge ! Ah ! vraiment oui, tu es rouge. Madeleine, Marguerite, regardez donc Sophie : elle dit qu’elle n’est pas rouge.

Sophie, pleurant.

Tu ne sais pas ce que tu dis ; c’est pour me taquiner, pour me faire gronder que tu cries tant que tu peux que je suis rouge ; je ne suis pas rouge du tout. C’est bien méchant à toi.

Camille, avec la plus grande surprise.

Sophie, ma pauvre Sophie, mais qu’as-tu donc ? Je ne voulais certainement pas te taquiner, encore moins te faire gronder. Si je t’ai fait de la peine, pardonne-moi.

Et la bonne petite Camille courut à Sophie pour l’embrasser. En approchant, elle sentit quelque chose de dur et de gros qui la repoussait ; elle baissa les yeux, vit l’énorme poche de Sophie, y porta involontairement la main, sentit les poires, regarda le poirier et comprit tout.

« Ah ! Sophie, Sophie ! lui dit-elle d’un ton de reproche, comme c’est mal, ce que tu as fait !

— Laisse-moi tranquille, petite espionne, répondit Sophie avec emportement ; je n’ai rien fait : tu n’as pas le droit de me gronder ; laisse-moi, et ne t’avise pas de rapporter contre moi.

— Je ne rapporte jamais, Sophie. Je te laisse ; je ne veux pas rester près de toi et de ta poche pleine de poires volées. »