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LES VACANCES.

plus qu’à moitié usées, j’étais nu-pieds. Paul portait une espèce de chaussons de feuilles de palmier.

PAUL.

Que mon père m’avait fait lui-même.

M. DE ROSBOURG.

Eh ! oui, que je lui avais faits. Voyez le beau mérite ! Enfin, j’étais nu-pieds. Je marche sur un serpent qui me pique. Je le dis à Paul et je cours vers la mer pour baigner la piqûre. À moitié chemin, la tête me tourne, les forces me manquent, je tombe, je vois ma jambe noire et enflée, je me sens mourir. Paul avait entendu dire aux sauvages que sucer une piqûre de serpent était un remède certain, mais que celui qui suçait s’exposait à mourir lui-même. Mon brave petit Paul (il avait dix ans alors) se jette à terre près de moi et suce ma piqûre. À mesure qu’il suçait le venin, je sentais la vie revenir en moi ; ma tête se dégageait ; les douleurs à la jambe disparaissaient. Enfin je repris tout à fait connaissance ; je me soulevai ; ma première pensée avait été pour Paul, que je ne voyais pas près de moi. Jugez de mon effroi lorsque je vis mon Paul, mon fils, se dévouant à la mort pour me sauver et suçant avec force cette affreuse piqûre. Je poussai un cri, je le saisis dans mes bras ; il se débattit, me sup-