Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/153

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Le cuisinier.

Mais vous en avez de l’ouvrage, regardez donc Cadichon, qui n’est pas encore débâté, et qui se promène en long et en large comme un bourgeois qui attend son dîner.

Le cocher.

Cadichon me fait l’effet d’écouter aux portes ; il est plus fin qu’il n’en a l’air ; c’est un vrai malin. »

Le cocher m’appela, me prit par la bride, m’emmena à l’écurie, et, après m’avoir ôté mon bât et m’avoir donné ma pitance, il me laissa seul, c’est-à-dire en compagnie des chevaux et d’un âne que je dédaignais trop pour lier conversation avec lui.

Je ne sais ce qui se passa le soir au château ; le lendemain, dans l’après-midi, on me remit mon bât, on monta sur mon dos la petite mendiante ; mes quatre petites maîtresses suivirent à pied et me firent aller au village. Je compris en route qu’elles voulaient acheter de quoi habiller la petite. Thérèse voulait tout payer ; les autres voulaient payer chacune leur part ; elles se disputaient avec un tel acharnement, que, si je ne m’étais pas arrêté à la porte de la boutique, elles l’auraient dépassée. Elles manquèrent jeter la petite par terre en la descendant de dessus mon dos, parce qu’elles s’élancèrent sur elle toutes à la fois ; l’une lui tirait les jambes, l’autre la tenait par un bras, la troisième l’avait prise à bras-le-corps, et Élisabeth, la quatrième, qui était forte comme deux ou trois, les poussait toutes pour aider seule la petite