Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/162

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« Mon cher ami, je ne puis donner de consolations à une mère dans d’aussi tristes circonstances ; mais, s’il y en a une possible, c’est de lui dire : « Votre fils est mort en brave, soldat, avec un courage et une résignation héroïques, glorieux d’être tué pour la France et méritant les regrets et l’estime de tous. »

« Mon cœur, un peu bronzé sur la mort, s’est retrouvé ce matin. Adieu. »


Cependant, tous ceux qui avaient connu la blessure d’Hélion de Villeneuve et les espérances des médecins s’étonnèrent de cette mort si rapide et si peu prévue. Les hommes de l’art eux-mêmes s’en émurent, et le docteur Félix, médecin en chef de l’ambulance, qui avait voulu soigner le blessé, ne pouvant se rendre compte de ce brusque et fatal dénouement, voulut faire l’autopsie de son corps. Alors, mais alors seulement, on reconnut que la blessure du visage n’avait pas été la seule ni la plus grave, et que le biscaïen qui lui avait fracassé la mâchoire avait passé par le larynx sans qu’on s’en fût aperçu, avait traversé les conduits du poumon, et causé à travers mille désordres un épanchement intérieur très considérable. On retrouva dans sa poitrine cet énorme morceau de fer, dont une trace bleuâtre indiquait le passage et qui avait causé sa mort. Il fut pieusement recueilli par une main amie, et plus tard envoyé en France à Madame de Villeneuve-Trans, comme une chère et douloureuse relique de la passion de son fils.

Le lendemain de la mort d’Hélion de Villeneuve, le digne aumônier qui lui avait ouvert le ciel lui rendit les derniers devoirs. Les funérailles furent modestes ; elles l’étaient toutes forcément sur cette terre de Crimée où l’on mourait tant et si vite. Néanmoins elle furent accomplies avec toute la solennité possible et avec un