Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/181

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vallées, et nous trouvions presque à chaque pas quelques-unes de ces émotions chrétiennes que je cherche principalement à retracer dans cet écrit, et dont la douceur égale et surpasse toute douceur.


i. genève.


Partis de Paris le 6 août, nous arrivâmes à Genève le 11 au matin. J’épargnerai au lecteur la description de cette ville comme de la plupart de celles dont j’aurai occasion de parier dans la suite ; je veux raconter ce que j’ai senti plutôt que ce que tout voyageur a vu ou peut voir comme moi.

Si le cœur d’un vrai catholique se dilate et s’élève vers Dieu avec la joie du triomphe en apercevant à l’entrée même de Genève une vaste et belle église dédiée à l’immaculée conception de la sainte vierge Marie, il se resserre en pensant au passé, qui n’y est encore que trop vivant, et se sent oppressé au milieu de tous les souvenirs dont cette ville est peuplée. La voilà donc, cette place forte aujourd’hui presque démantelée, grâce à Dieu ! cette capitale désormais ouverte, mais si longtemps imprenable de la Réforme, véritable citadelle dans le sens littéral comme dans le sens figuré de ce mot, que tous les souverains protestants de l’Europe avaient entourée de remparts et de bastions pour la défendre contre les tentatives imaginaires de la France et de la Savoie catholiques ! La voilà, cette Rome protestante, qui fut pendant plus de deux siècles le centre et le foyer de l’hérésie, où les prétendus réformés venaient de toutes parts puiser moins l’amour de Dieu et du nouveau