Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/213

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jamais fait peut-être, les magnificences de la nature.

La matinée était incomparable de beauté, le ciel d’un bleu métallique, transparent et profond, dont le ciel bleu de notre France ne peut donner une idée : en se rapprochant de l’horizon, cet azur se fondait insensiblement en jaune d’or. La silhouette des montagnes se dessinait sur ce fond d’or en un bleu de cobalt d’une pureté et d’une transparence admirables. Les collines plus rapprochées, qui s’élèvent en amphithéâtre aux bords du lac, étaient couvertes d’une verdure chaude, sur laquelle les villages et les maisons de campagne se détachaient vivement, blanches comme la neige et brillantes comme les étoiles. L’air miroitait partout à nos regards ; on eût dit un fluide lumineux dont l’œil avait peine à soutenir l’éclat. Non, rien ne peut exprimer l’effet de toutes ces beautés réunies quand le soleil du matin répand sur elles, sans les confondre, une poussière dorée qui donne à tous les tons, à l’eau, à l’air, à la verdure, aux lointains, une harmonie et une transparence indéfinissables !

Et toute cette scène de lumière et de splendeur incomparable, cette nature éblouissante, ces villas orientales, cet ardent soleil reflété par les eaux bleues de ce lac immobile, ces merveilles d’une nature enchantée, nous saisissaient tout sortants des glaciers du mont Blanc et des gorges du Simplon, tout imprégnés encore des frimas et des horreurs que nous venions de traverser ! Ce sont là de ces contrastes que Dieu ménage parfois à l’œil de l’homme, comme pour lui faire sentir plus vivement la magnificence de ses œuvres et la merveilleuse variété de sa création.

La barque qui nous berçait doucement nous conduisit d’abord à celle des Îles Borromées qu’on appelle l’Isola-Madre. Elle apparaît de loin comme une corbeille de verdure et de fleurs portée sur les eaux pures du lac. À