Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/219

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tiplier les secours et les consolations, entraîner à sa suite, par son brillant exemple, tout son clergé sur ce terrible champ de bataille de la charité ; il allait par les rues et dans les maisons, administrant les mourants, leur prodiguant les soins de tout genre, plein de sollicitude pour leur corps comme pour leur âme, pensant à tout et à tous excepté à lui-même, opposant partout son immense charité à cette immense misère et mêlant à toutes ces larmes, à tout ce deuil, à toute cette épouvante d’une ville, la douceur divine et consolante du nom de Jésus-Christ.

Après avoir ainsi lutté contre le fléau avec une énergie surhumaine, il acheva de le vaincre par la sublime opiniâtreté de ses prières. À la tête d’une procession suppliante, suppliant lui-même, la corde au cou, les yeux pleins de larmes, les pieds nus et tellement déchirés par les cailloux du chemin qu’ils laissaient partout des traces sanglantes, il parcourut la ville entière, s’offrant à Dieu en victime expiatoire pour le salut de son peuple : il priait, il pleurait, et la population émue pleurait et priait avec lui : ce n’étaient partout que cris, gémissements et lamentations. Dieu écouta enfin les larmes de ce bon pasteur et de ce troupeau desolé, et la peste s’éloigna de Milan, laissant le saint archevêque plus grand, plus chéri plus admiré et plus humble que jamais.

Aussi énergique que charitable, il ne laissait subsister aucun abus et les poursuivait tous, même au péril de sa vie. Luther, donnant un exemple que tous les révolutionnaires ont suivi depuis, pour détruire les abus, avait détruit les institutions : saint Charles ne détruisit rien et réforma tout. À son exemple et par ses soins, les mœurs du clergé redevinrent plus saintes et plus austères qu’auparavant ; la chasteté, l’obéissance, l’esprit de pauvreté, rentrèrent dans les cloîtres et dans les monastères où le