Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/234

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sous ce figuier devenu célèbre, Dieu lui eut jeté, au milieu de ses agitations et de ses larmes, cette dernière parole, ce mot magique et suprême d’encouragement et d’amour, tout fut dit, tout fut accompli ; il prit, il lut, et se releva, heureux vaincu de la grâce, heureux vainqueur de la chair, dans la possession calme et pleine de lui-même et de la vérité.

On montre encore dans l’église de saint Ambroise l’endroit où se tenait l’illustre évêque pour parler au peuple, et celui où se pressaient les fidèles pour entendre la parole de Dieu ; et, en contemplant la vieille basilique, je me disais avec une émotion profonde « C’est donc là, c’est à cette même place où je me trouve aujourd’hui, que se tenait Augustin encore retenu dans les langes du péché, écoutant avec un trouble inconnu les célestes discours de saint Ambroise, les yeux fixés sur lui, suspendu à ses lèvres et goûtant, avec le charme de son éloquence, les trésors de lumière et de grâce qui découlaient de la bouche et du cœur de l’apôtre ! C’est là que sainte Monique priait pour la conversion de son fils, épiant sur sa physionomie l’impression des paroles d’Ambroise, et poursuivant en quelque sorte sa proie tant aimée avec une sublime opiniâtreté ! Et c’est là enfin, dans cette même église, que, quelques mois plus tard, après cette retraite qui suivit sa conversion, Augustin revint, avec son fils Adéodat et son ami Alypius, recevoir le baptême des mains de son Ambroise ! Moment solennel, que celui où le grand évêque de Milan reçut dans la société des enfants de Dieu le futur évêque d’Hippone ! Avec quelle émotion il dut bénir cet enfant prodigue dont il entrevoyait sans doute les grandes destinées, et qui, revenu de si loin au bercail, devait à son tour devenir un si divin pasteur ! Quelles actions de grâces il dut rendre au Seigneur, lui si tendre et si fort amoureux du salut des âmes, qu’au