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III. LE TYROL


La ville et le lac de Corne, que nous parcourûmes le lendemain, ne me parurent pas justifier leur réputation. Il est vrai que nous y fûmes poursuivis par une sorte de fatalité qui nous fit perdre en détail et successivement, soit à Côme même, soit dans les eaux du lac, une bonne partie de notre léger bagage. De là peut-être une prévention involontaire contre ce pauvre lac, qui n’y pouvait rien, mais qui n’en supporta pas moins le contre-coup de nos infortunes : il arrive si souvent en ce monde que les innocents paient pour les coupables ! Quoi qu’il en soit, je n’en parlerai pas, et je me récuse moi-même comme suspect de prévention à son endroit. Nous traversâmes le lac sur un bateau a vapeur, qui nous mena en quelques heures de Côme à Colico. De là nous continuâmes notre route à pied, et nous allâmes coucher à Morbegnio après dix lieues de marche. Nous mimes deux jours a traverser la longue et insignifiante vallée de la Valteline, et nous arrivâmes enfin au pied du mont Stelvio, qu’il faut franchir pour entrer dans le Tyrol proprement dit. La route qui mène au sommet de cette montagne a été construite par les ordres de l’empereur François. Elle s’élève a deux mille huit cents pieds de plus que celle du Simplon c’est la route carrossable la plus élevée du monde entier. Elle est d’un aspect très pittoresque, et monte en zigzag jusqu’au sommet de la montagne, bien au-dessus des neiges, des glaciers et des nuages. Un relais de poste est établi au point culminant. Il y règne toujours un froid très vif, et de cette hauteur la vue est admirable, sur-