Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/243

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sera jamais la douceur perdue ! Ces monuments en pierre, ouvrages de pauvres paysans, artistes inconnus, qui s’ignorent eux-mêmes, représentent le signe sacré de notre salut et souvent aussi l’image de la Vierge immaculée ou des saints. Parmi ces derniers, il en est un dont le type est sans cesse reproduit, c’est saint Jean Népomucène, ce courageux martyr du secret de la confession, dont la mémoire est en grande vénération dans toutes ces contrées.

Ce saint prêtre, qui, il y a cinq siècles, édifiait l’empire par le spectacle de ses vertus, et menait à la cour la vie d’un anachorète, était aumônier de l’empereur Venceslas, de honteuse mémoire, et confesseur de l’impératrice Jeanne, la plus pieuse des femmes. Venceslas, enivré de sa puissance, et mû par je ne sais quel caprice de jalousie, conçut la pensée aussi absurde qu’impie de connaître les actions et les sentiments même de sa femme par le secret de la confession. Il fit donc venir Jean Népomucène, et, après mille promesses et mille menaces, lui dit ce qu’il exigeait de lui. Le saint prêtre rejeta la proposition avec horreur, et rappela hardiment au prince que le secret de la confession est le secret de Dieu.

L’empereur, furieux, le fit jeter en prison et soumettre aux plus cruelles tortures. On lui promena par tout le corps des torches ardentes qui lui firent d’affreuses brûlures. Parmi tous ces tourments, le martyr prononçait les seuls noms de Jésus et de Marie. Il lassa les bourreaux et l’empereur lui-même, qui feignit de se réconcilier avec lui et l’admit de nouveau à sa cour. Mais ce n’était qu’un de ces caprices de clémence que les plus cruels tyrans ont connus. Jean Népomucène ne s’y trompa point ; il se prépara à mourir, et, averti par une intuition prophétique de sa mort prochaine, à la fin d’un sermon,