Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/304

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Voici maintenant sa lettre d’adieu à ses confrères de la mission ; elle est adressée l’un d’eux, M. Marotte, auquel il avait déjà écrit un billet pour lui demander quel jour tombaient les Quatre-Temps : car, disait-il, rien ne m’empêchant de jeûner, je fais les jeûnes d’obligation, »

« Le jour de l’Exaltation de la sainte Croix.

« Lætatus sum in his quæ sunt mihi : in domum Domini ibimus ! Je reçois, mon bien-aimé confrère, votre billet, dans lequel vous me dites que la paix n’est pas de ce monde. Si, en pensant que tout était terminé, je me suis livré à la joie, c’était dans la joie de Seigneur, uniquement en vue de sa gloire. Mais vous savez trop combien j’ai toujours désiré être délivré de ce corps de mort, pour croire que, malgré les différentes lueurs d’espérance j’aie été un instant sans offrir ma vie au bon Dieu. Je ne compte guère sur la sentence du roi, et, supposé qu’on l’attende, elle ne changera rien sans doute, ou ne fera qu’aggraver le mal. Consummatum est : l’iniquité a consommé son astuce. Votre charité est parfaite en m’avertissant à temps pour que je ne sois pas surpris par l’annonce de la mort ; car elle ne tardera pas, sans doute, si l’on craint que je me la donne moi-même.

« Que votre lettre soit donc la dernière : vous ne sauriez d’ailleurs plus rien avoir à me dire. Quant & moi, quoiqu’on paraisse m’observer avec moins de vigilance, dès qu’on recommencera à le faire, ce sera avec tant de soin, que je ne pourrai plus vous écrire, même la nuit.

« Adieu, mon bien-aimé, adieu à tous mes confrères et notre digne évêque : si j’ai pu quelquefois à mon insu et en quoi que ce soit le contrister, je lui en demande pardon ; certes, je ne l’ai pas fait avec malice.

« Je désirerais bien que vous pussiez me procurer l’ab-