Page:Ségur - Un bon petit diable.djvu/305

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lâchait et tirait alternativement les guides, mais sans succès. Charles, tête nue (car il avait perdu sa casquette dans la première secousse), était pâle et effaré ; la truie faisait des cris désespérés ; tous trois bondissaient dans la carriole comme des volants sur une raquette. Ils passèrent ainsi devant la maison de Charles ; il entendit deux cris d’effroi partir de la cuisine, mais il n’eut le temps de voir personne, tant le cheval les emportait rapidement. En sortant du bourg, il accrocha une charrette, monta sur un tas de pierres et roula avec sa charge dans un fossé de deux mètres de profondeur. Charles et la truie restèrent ensevelis sous la carriole, qui était retournée les roues en l’air ; Donald avait eu le temps et l’adresse de s’élancer dehors pendant la chute, et se trouva sur ses pieds au bord du fossé. Le cheval était tombé sur le dos et se débattait pour se relever. Donald ne pouvait l’approcher sous peine d’être tué sous les coups de pied que lançait l’animal. Des ouvriers qui virent la culbute accoururent pour lui venir en aide ; ils parvinrent à couper les traits et à dételer le cheval ; puis ils relevèrent la carriole, sous laquelle ils trouvèrent Charles, sain et sauf, couché près de la truie expirante ; étant garrottée et n’ayant pu suivre le mouvement de la carriole, elle avait eu les reins brisés, et rendait le dernier soupir. Charles sortit du fossé tout penaud. Donald jurait à faire trembler ; le cheval n’avait aucun mal. Pendant qu’on retirait la carriole du fossé, qu’on cherchait à atteler le cheval et à recharger la truie