Page:Ségur - Un bon petit diable.djvu/91

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charles, ému.

Tu vois bien que tu as des privations ?

juliette.

.

Certainement ! De grandes et de continuelles, mais je les aime, parce qu’elles me profitent près du bon Dieu ; ainsi je voudrais bien voir ma chère Marianne, qui fait tant pour moi ; je voudrais bien te voir, toi, mon bon Charles, qui me témoignes tant de confiance et d’amitié… J’ai perdu la vue si jeune, que j’ai un bien vague souvenir d’elle, de toi, de tout ce que voient les yeux. Mais… j’attends… et je me résigne.

— Ô Juliette ! Juliette ! s’écria Charles en sanglotant et en se jetant à son cou. Ô Juliette, si je pouvais te rendre la vue ! pauvre, pauvre Juliette ! »

Juliette essuya une larme que laissaient échapper ses yeux privés de lumière ; et, entendant les sanglots de sa sœur se joindre à ceux de Charles, elle l’appela.

« Marianne ! ma sœur ! ne pleure pas ! Tu me rends la vie si douce, si bonne ! Si tu savais combien je suis plus heureuse que si je voyais ! »

Marianne s’approcha de Juliette, qu’elle serra contre son cœur.

« Juliette ! je t’aime ! Je ne puis faire grand chose pour toi, mais ce que je fais, c’est avec bonheur, avec amour, comme je le ferais pour ma fille, pour mon enfant. Tu es tout pour moi en ce monde, tout ! Jamais je ne te quitterai ; je prie Dieu qu’il me permette de te survivre, pour que