Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/11

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-ce par la plaine qu’on arrive au sommet des montagnes ? Et même cette route n’est pas si impraticable que quelques-uns se la figurent. L’entrée seule nous présente des pierres et des rocs inabordables au premier aspect ; ainsi très-souvent le voyageur croit de loin voir des masses taillées à pic et liées entre elles, et la distance abuse ses yeux. Mais, à mesure qu’il approche, ces mêmes lieux, dont une erreur de perspective avait fait un seul bloc, insensiblement se dégagent, et ce qui, dans l’éloignement, semblait une pente escarpée, ne se trouve plus être qu’une montée assez douce.

Lorsque dernièrement nous parlions de M. Caton3, vous étiez indigné, vous que révolte l’injustice, que son siècle eût si peu compris ce grand homme, et qu’un mortel supérieur aux Pompée, aux César, eût été ravalé au dessous des Vatinius4 ; vous trouviez infâme qu’on lui eût arraché sa toge en plein forum, comme il voulait combattre un projet de loi ; que de la tribune jusqu’au portique de Fabius5, traîné par les mains d’une faction séditieuse, il eût longuement subi les propos insultans, les crachats et tous les outrages d’une multitude effrénée. Je vous répondais que vous aviez sujet de gémir sur cette république que d’une part un P. Clodius6, de l’autre un Vatinius, ou tout mauvais citoyen pouvait ainsi mettre à l’enchère. Dans leur aveugle cupidité, ces hommes corrompus ne voyaient pas qu’en vendant la patrie c’était eux-mêmes qu’ils vendaient.

II. Pour Caton, vous disais-je, tranquillisez-vous. Jamais le sage ne pourra recevoir d’injure ni d’humiliation ; et Caton surtout nous fut donné par les dieux immortels comme un modèle encore plus infaillible qu’Ulysse ou Hercule, ces héros des premiers âges, pro-