Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/111

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violemment que contre Cinna, il se disait : « Pourquoi vivre, si tant d’hommes ont. intérêt à ta mort ? Quoi ! toujours des supplices, toujours du sang ! Ma tête est le but vers lequel la jeune noblesse dirige ses coups : la vie n’a pas assez de prix pour que je la conserve en frappant tant de victimes. »

Enfin Livie l’interrompit, en lui disant : « Accueille-rez-vous les conseils d’une femme ? Faites ce que font les médecins : lorsque les remèdes ordinaires ne réussissent pas, ils en emploient d’opposés. La sévérité ne vous a pas réussi : à Salvidienus a succédé Lépide, à Lépide Muréna, à Muréna Cépion, à Cépion Egnatius, et d’autres dont je ne parlerai pas, tant je rougis que de tels hommes aient eu cette audace. Essayez maintenant ce que produira la clémence : pardonnez à Cinna ; il est découvert ; il n’est plus dangereux ; sa grâce peut contribuer à votre gloire. »

Charmé d’avoir trouvé en elle un défenseur de ses propres sentiments, Auguste remercie son épouse ; il donne contre-ordre aux amis qui devaient. composer son conseil, fait venir Cinna seul, puis renvoie les personnes qui se trouvaient dans sa chambre, après avoir fait placer un second siège pour Cinna : « Je te demande avant tout, lui dit-il, de ne pas m’interrompre, et de ne pas proférer d’exclamations au milieu de mon discours : tu auras tout le temps nécessaire pour parler après moi. Cinna, toi que j’avais trouvé dans le camp de mes ennemis, qui n’es pas devenu, mais qui étais né mon ennemi, je t’ai conservé la vie et je t’ai rendu tout ton patrimoine. Aujourd’hui, tu es tellement riche et tellement heureux, que les vainqueurs portent envie au vaincu ; tu as demandé le sacerdoce, je te l’ai accordé de préférence à de nombreux compétiteurs