Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/113

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dont les pères avaient combattu sous mes ordres après de tels bienfaits, tu as résolu de m’assassiner ! » A ce mot, Cinna s’étant écrié qu’une telle extravagance était bien loin de sa pensée : « Tu ne tiens pas ta promesse, reprit Auguste ; il était convenu que tu ne m’interromprais pas : oui, je le répète, tu te prépares à m’assassiner —-— ». Alors il indiqua le lieu, les complices, le jour, le plan de l’attaque, le bras auquel le fer devait etre confié —-- ; puis, voyant que Cinna, frappé de stupeur, restait muet, non par respect pour cette convention à laquelle il s’était soumis, mais par le sentiment de sa conscience —-— : « Quel est ton but ? lui dit-il ; est-ce de régner toi-même ? Il faut plaindre le peuple romain, si je suis l’unique obstacle entre toi et l’empire. Tu ne peux gouverner ta maison ; dernièrement, dans une contestation privée, tu as succombé sous le crédit d’un affranchi : apparemment tu trouves plus facile de choisir César pour adversaire. Soit, si je suis le seul qui traverse tes espérances ; mais souffriront-ils l’accomplissement de tes desseins, les Paul-Émile, les Fabius-Maximus, les Cossus, les Servilius ? et cette foule d’hommes de haute naissance, qui ne se parent pas de vains titres, et dont les portraits peuvent dignement se placer à côté de ceux de leurs ancêtres ? »

Je ne reproduirai pas dans son entier le discours d’Auguste, qui tiendrait trop de place dans cet écrit ; car il est constant qu’il parla plus de deux heures, afin de prolonger cette vengeance, la seule qu’il voulût tirer du coupable. Il termina ainsi : « Cinna, je te donne la vie une seconde fois : la première, c’est à un ennemi que je l’ai donnée ; maintenant c’est à un conspirateur et à un parricide. A dater de ce jour, devenons amis Cinna ; qu’il s’établisse un combat de loyauté entre moi qui te donne