Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/13

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clamés par nos stoïciens comme de vrais sages, invincibles aux travaux, contempteurs de la volupté et victorieux de toutes les terreurs7. Caton ne lutta point contre des bêtes féroces, exercice digne d’un chasseur et d’un paysan grossier ; il ne poursuivit pas de monstres avec le fer et la flamme ; il ne vécut pas dans un temps où l’on pût croire qu’un homme portait le ciel sur ses épaules : déjà on avait secoué le joug de l’antique crédulité, et le siècle était parvenu au plus haut degré de lumières. Caton fit la guerre à l’intrigue, cette hydre nouvelle, au désir illimité du pouvoir, que le partage du monde entier entre trois hommes8 n’avait pu satisfaire, aux vices d’une patrie dégénérée et s’affaissant sous sa propre masse ; seul il resta debout et soutint dans sa chute la république, autant que pouvait faire le bras d’un mortel, tant qu’enfin entraîné, arraché lui-même, après l’avoir long-temps retardée, il voulut partager sa ruine ; et l’on vit s’éteindre à la fois ce qui n’eût pas été séparé sans crime : Caton ne survécut point à la liberté, ni la liberté à Caton. Pensez-vous que le peuple ait pu outrager un tel homme, soit en le dépouillant de sa préture9 ou de sa toge, soit en couvrant d’infâmes crachats sa tête sacrée ? Non : le sage est à l’abri de tout : ni injures ni mépris ne sauraient le frapper.

III. Je crois voir ici votre bile qui s’irrite et s’allume ; vous êtes prêt à vous écrier : Voilà ce qui ôte crédit à vos préceptes ; vous promettez de grandes choses, et l’on n’ose même y aspirer, loin qu’on puisse y croire ; et lorsqu’après d’emphatiques paroles vous avez prétendu que le sage n’est jamais pauvre, vous ne niez pas qu’il ne