Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/135

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

confié. Qu’il ne se hâte pas de repousser tout espoir et de déclarer que les symptômes sont mortels ; qu’il lutte contre les vices, et qu’il leur résiste ; qu’il adresse aux uns des reproches sur leur état ; que, trompant en quelque sorte les autres, il les soumette à un régime adoucissant et emploie des remèdes déguisés pour opérer une guérison plus prompte et plus sûre. Que le prince mette ses soins non seulement à sauver la vie, mais encore à ne pas laisser de cicatrices flétrissantes. Un roi ne retire aucune gloire d’un châtiment cruel : qui doute en effet de sa puissance ? Une gloire immense lui est réservée, au contraire, lorsqu’il met un frein à sa. violence, qu’il arrache de nombreuses victimes à la colère des autres, et qu’il n’en immole aucune à la sienne.

[1, 18] XVIII. La modération envers les esclaves est digne d’éloge ; il ne faut pas considérer quels traitements on pourrait leur infliger impunément, mais ce qu’autorisent l’équité et l’humanité, qui ordonnent aussi d’épargner les prisonniers et les malheureux achetés à prix d’argent. Mais combien leur voix ne s’élève-t-elle pas plus justement encore en faveur d’hommes qui sont nés dans une condition libre et honnête ? ne prescrivent-elles pas de les traiter, non comme des esclaves soumis aux abus de l’autorité du maître, mais comme des citoyens placés dans un rang inférieur au sien, qu’il doit protéger et non asservir ? Les esclaves trouvent un asile près de la statue du prince ; quoique les lois permettent tout envers eux, il est cependant des actions que le droit de la nature, commun à tous les êtres vivants, interdit à un homme envers son semblable. Qui ne portait à Vedius Pollion plus de haine que ses esclaves eux-mêmes, lui qui engraissait de chair humaine ses lamproies, et qui, pour la