Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

est le contraire de la clémence mais il n’y a point de vertu qui soit le contraire d’une autre vertu.

IV. Quel est donc l’opposé de la clémence ? C’est la cruauté, qui n’est autre chose que l’inhumanité dans l’exercice de la vindicte publique. Mais, dira-t-on, il y a des hommes qui sont cruels hors de l’application des peines ; par exemple, ceux qui tuent des inconnus et des passants, non pour satisfaire leur avidité, mais uniquement pour le plaisir de tuer ; ceux qui, non contents de donner la mort, emploient les tortures, comme Sinis, comme Procruste, comme les pirates, qui accablent de coups leurs prisonniers et les brûlent tout vifs. Oui, sans doute, c’est de la cruauté ; mais comme elle n’accompagne pas la vengeance, puisqu’il n’y a pas eu d’offense commise, et qu’elle ne s’exerce pas contre un coupable, puisqu’elle n’a été provoquée par aucun crime, elle est en dehors de notre définition ; définition qui ne comprend que l’excès de la rigueur dans la punition des délits. On peut dire encore que ce n’est pas là de la cruauté, mais une véritable férocité qui trouve des jouissances dans les tourments qu’elle inflige. Ou peut la nommer folie ; car il y a diverses espèces de folies, et aucune n’est plus caractérisée que celle qui va jusqu’à l’homicide et aux tortures : je n’appellerai donc cruels que ceux qui punissent pour une juste cause, mais sans mesure. Tel était Phalaris, auquel on reproche, non d’avoir puni des innocents, mais d’avoir infligé des supplices qui révoltaient l’Humanité et la raison : pour échapper aux sophismes, on peut définir la cruauté une disposition de l’âme à la rigueur. La clémence repousse loin d’elle la cruauté, tandis qu’elle n’a certainement rien d’incompatible avec la sévérité. Il n’est pas hors de mon sujet de rechercher ici ce