Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/185

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douce, plus amie du genre humain, plus occupée du bien public ; car sa morale consiste à rendre service, à porter secours, à ne pas veiller seulement à ses propres intérêts, mais a ceux des autres, soit en général, soit en particulier.

La compassion est l’affliction que l’âme éprouve à la vue des maux d’autrui ; ou, si l’on veut, c’est une tristesse produite par les malheurs de nos semblables, lorsque nous croyons qu’ils ne sont pas mérités. Or, le sage est inaccessible à la douleur, son esprit est toujours serein ; aucun évènement ne peut y faire naître de nuages, et rien ne lui sied mieux qu’une âme forte ; mais comment sera-t-elle forte, si la crainte et la tristesse l’abattent, l’obscurcissent ou la resserrent ? C’est ce que le sage n’éprouvera jamais, même dans ses propres malheurs ; il repoussera et verra se briser devant lui le courroux du sort ; son visage restera toujours calme, toujours impassible ; ce qui ne pourrait être, si la tristesse l’atteignait : ajoutez que le sage est prévoyant, et que son esprit a des ressources toujours prêtes. Or, ces conceptions nettes et justes ne peuvent naître dans une âme agitée. La tristesse est incapable de discerner les objets, de découvrir des moyens, utiles, d’éviter les dangers et de reconnaître ce que veut l’équité. Ainsi le sage ne se livre pas à la compassion, parce qu’elle est toujours accompagnée d’une souffrance de l’âme ; mais tout ce que l’on fait ordinairement par compassion, il le fait avec plaisir, quoique par un autre sentiment.

VI. Il séchera les larmes des autres, mais il n’y mêlera pas les siennes. Il donnera la main aux naufragés, l’hospitalité aux exilés et des secours aux indigents ; non