Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/21

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d’une figure grimaçante ; qui se met à pleurer aux noms qui lui frappent désagréablement l’oreille, à de brusques mouvemens de doigts12, à toute autre chose imprévue qui le trompe, et devant laquelle une alarme vague le fait fuir.

V. L’injure a pour but de faire du mal à quelqu’un : or, la sagesse ne laisse point place au mal. Il n’est de mal pour elle que la honte, et celle-ci n’a point accès où habitent déjà l’honneur et la vertu : l’injure ne va donc point jusqu’au sage. Car si elle est la souffrance d’un mal, dès que le sage n’en souffre aucun, une injure ne peut le regarder. Toujours elle ôte quelque chose à celui qu’elle attaque, et on ne la reçoit jamais sans quelque détriment de sa dignité, de sa personne ou de ses biens extérieurs : or le sage ne ressent point de pareils torts ; il a tout placé en lui, il ne confie rien à la fortune, il a ses biens sur une solide base, il est riche de sa vertu, qui n’a pas besoin des dons du hasard. Et ainsi son trésor ne peut ni grossir ni diminuer ; car ce qui est arrivé à son comble n’a plus chance d’accroissement ; en outre, la fortune n’enlève rien qu’elle ne l’ait donné : n’ayant pas donné la vertu, comment la ravirait-elle ? La vertu est chose libre, inviolable, que rien n’émeut, que rien n’ébranle, tellement endurcie aux coups du sort, qu’elle ne fléchit même pas, loin d’y succomber. En face —des appareils les plus terribles son œil est fixe, intrépide ; son visage qe change nullement, quelle ait de dures épreuves ou des succès en perspective. Le sage donc ne perd rien dont la disparition doive lui être sensible. Il n’a en effet d’autre possession que la vertu, dont on ne le chassera jamais ; de tout le reste, il n’use qu’à titre précaire : or, quel homme est touché de