Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/251

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interdit63 : tous nous sont ouverts ; et si la grandeur de notre esprit nous porte à sortir des entraves de la faiblesse humaine, grand est l’espace de temps que nous avons à parcourir. Je puis discuter avec Socrate64,. douter avec Carnéade, jouir du repos avec Épicure ; avec les stoïciens, vaincre la nature humaine ; avec les cyniques, dépasser sa portée ; enfin, marcher d’un pas égal avec la nature elle-même, et participer à tous les siècles. Pourquoi, de cet intervalle de temps si court, si incertain, ne m’élancerais-je pas vers ces espaces immenses, éternels65, qui me mettraient en communauté avec les meilleurs des hommes ? Les insensés, sans cesse en démarche pour rendre de vains devoirs, tourmentans pour eux et pour les autres, lorsqu’ils se seront livrés tout à leur aise à leur manie, qu’ils auront été frapper chaque jour à toutes les portes, qu’ils n’auront passé outre devant aucune de celles qu’ils auront trouvé ouvertes, qu’ils auront colporté dans toutes les maisons leurs hommages intéressés, combien de personnes auront-ils pu voir dans cette ville immense et agitée de tant de passions diverses ? combien.de grands dont le sommeil, les débauches ou la dureté les auront éconduits ? combien, après les ennuis d’une longue attente, leur échapperont en feignant une affaire pressante ? combien d’autres, évitant de paraître dans le vestibule rempli de cliens, s’échapperont par quelque issue secrète, comme s’il n’était pas plus dur de tromper que de refuser sa porte ? combien, à moitié endormis et la tête encore lourde des excès de la veille, entrouvriront à peine les lèvres pour balbutier, avec un bâillement dédaigneux, le nom mille fois annoncé de ces infortunés66, qui ont hâté leur réveil pour attendre celui des autres ?