Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/321

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suivant les sens qui lui sont propres, il se sera étendu par leur moyen vers les objets extérieurs ; qu’il soit maître de ces objets et de lui ; qu’alors, pour ainsi dire, il enchaîne le souverain bien. De là résultera une force, une puissance unique, d’accord avec elle-même ; ainsi naîtra cette raison certaine, qui n’admet, ni contrariété, ni hésitation, dans ses jugements et dans ses conceptions, non plus que dans sa persuasion. Cette raison, lorsqu’elle s’est ajustée, accordée avec ses parties, et, pour ainsi dire, mise à l’unisson, a touché au souverain bien. En effet, il ne reste rien de tortueux, rien de glissant rien sur quoi elle puisse broncher ou chanceler. Elle fera tout de sa propre autorité : pour elle point d’accident inopiné ; au contraire, toutes ses actions viendront à bien, avec aisance et promptitude, sans que l’agent tergiverse ; car les retardements et l’hésitation dénotent le trouble et l’inconstance. Ainsi, vous pouvez hardiment déclarer que le souverain bien est l’harmonie de l’âme. En effet, les vertus seront nécessairement là où sera l’accord, où sera l’unité ; la discordance est pour les vices.

IX. « Mais vous aussi, me dit l’épicurien, vous ne rendez un culte à la vertu, que parce que vous en espérez quelque plaisir. » D’abord, si la vertu doit procurer le plaisir, il ne s’ensuit pas que ce, soit à cause de lui, qu’on la cherche ; car ce n’est pas lui seul, qu’elle procure, c’est lui de plus. Ensuite, ce n’est pas pour lui, qu’elle travaille ; mais son travail, quoiqu’il ait un autre but, atteindra encore celui-là. Dans un champ qu’on a labouré pour y faire du blé, quelques fleurs naissent parmi les grains, et cependant ce n’est pas pour cette petite plante, bien qu’elle charme les yeux, que l’on s’est