Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/323

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donné tant de peine : c’était une autre chose que le semeur voulait ; celle-là est venue de surcroît. De même aussi, le plaisir n’est pas la récompense, n’est pas le motif de la vertu, il en est l’accessoire ; et ce n’est point à cause de ses charmes, qu’il est agréé de la vertu, c’est parce qu’elle l’agrée, qu’il a des charmes. Le souverain bien est dans le jugement même, et dans la disposition d’un esprit excellent ; lorsque celui-ci a fermé le cercle de son enceinte, et s’est retranché dans ses propres limites, le souverain bien est complet, il ne lui faut rien de plus. En effet, il n’y a rien hors de ce qui forme le tout, pas plus qu’au delà de ce qui est la fin. Ainsi vous divaguez, quand vous me demandez quel est cet objet pour lequel j’aspire à la vertu ; car vous cherchez un point au dessus du sommet. Vous me demandez ce que je veux obtenir de la vertu ? elle-même : car elle n’a rien de meilleur, étant elle-même son prix. Est-ce là peu de chose ? Lorsque je vous dis : le souverain bien est la fermeté d’une âme que rien ne peut briser, et sa prévoyance, et sa délicatesse, et sa bonne santé, et sa liberté, et son harmonie, et sa beauté, venez-vous encore demander quelque chose de plus grand, à quoi l’on puisse rattacher de tels attributs ? Pourquoi ne prononcez-vous le nom de plaisir ? C’est de l’homme, que je cherche le bien, et non du ventre, qui chez les bêtes et les brutes a plus de capacité.

X. « Vous feignez, reprend l’adversaire, de ne pas entendre ce que je veux dire ; car, moi, je nie que l’on puisse vivre agréablement, si tout à la fois on ne vit honnêtement : ce qui ne peut appartenir aux animaux muets, non plus qu’aux hommes qui mesurent leur bien sur la nourriture. C’est à haute voix, dis-je, et publi-