Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/327

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naces qui grondent autour de la vie humaine ? Comment soutiendra-t-il l’aspect de la mort, l’aspect de la douleur, et les fracas de l’univers, et le choc de tant d’ennemis acharnés, lui qu’un si faible adversaire a vaincu ? Tout ce que le plaisir lui aura conseillé, il le fera. Eh ! ne voyez-vous pas combien le plaisir lui donnera de conseils ? » Il ne pourra, dites-vous, lui conseiller rien de honteux, parce qu’il est associé à la vertu. » Eh ! ne voyez-vous pas, à votre tour, ce que c’est qu’un souverain bien qui a besoin d’un surveillant, pour être un bien ? De son côté, la vertu, comment régira-t-elle le plaisir qu’elle suit, puisque suivre est le rôle de ce qui obéit, et régir est le rôle de ce qui commande ? Vous placez en arrière ce qui a le commandement. Le bel emploi que la vertu obtient chez vous, celui de faire l’essai des plaisirs ! Mais nous verrons, si pour ces gens-là chez qui la vertu a été si outrageusement traitée, elle est encore la vertu ; elle ne peut conserver son nom, si elle a quitté sa place. En attendant, pour le sujet dont il s’agit, je montrerai beaucoup d’hommes qui sont assiégés par les plaisirs, d’hommes sur lesquels la fortune a répandu tous ses dons, et que vous êtes forcé d’avouer méchants. Regardez Nomentanus et Apicius14, ces gens qui recherchent à grands frais ce qu’ils nomment les biens de la terre et de la mer, ces gens qui sur leur table passent en revue les animaux de tous les pays. Voyez-les contempler, du haut d’un lit de roses, l’attirail de leur gourmandise, charmer leurs oreilles par le son des voix, leurs yeux par des spectacles, leur palais par des saveurs exquises. Tout leur corps est chatouillé par des coussins doux et moelleux, et de peur que les narines, pendant ce temps-là, ne restent sans