Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/331

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en fait parade. Ce n’est pas en obéissant à l’impulsion d’Épicure, qu’ils sont ainsi débauchés ; mais, abandonnés aux vices, ils cachent leur débauche dans le sein de la philosophie, et ils se portent en foule vers le lieu où ils entendent dire que l’on vante le plaisir. Ce n’est pas non plus le plaisir d’Épicure, qu’ils apprécient, puisque ce plaisir, tel qu’en vérité je le conçois, est sobre et austère ; c’est au nom seul, qu’ils accourent, cherchant pour leurs passions déréglées quelque puissante protection et quelque voile. Ainsi, le seul bien qu’ils eussent dans leurs maux, ils le perdent, je veux dire, la honte de mal faire. En effet, ils vantent ce dont ils rougissaient, et ils se font gloire du vice. C’est à cause de cela, qu’il n’est plus permis à la jeunesse, même de se relever, une fois qu’un titre honnête est venu s’unir à une honteuse nonchalance.

XIII. Voici pourquoi cette manie de vanter le plaisir est pernicieuse : les préceptes honnêtes restent cachés dans l’ombre ; le principe corrupteur se montre au grand jour. Oui, moi-même je le pense, et je le dirai malgré ceux de notre école, Épicure donne des préceptes purs et droits ; si vous les considérez de plus près, ils sont tristes : car ce plaisir dont il parle est réduit à quelque chose de petit et de mince. La loi que nous imposons à la vertu, il l’impose, lui, au plaisir : il veut que celui-ci obéisse à la nature ; mais c’est peu pour la débauche, que ce qui pour la nature est assez. Qu’arrive-t-il donc ? Tel qui nomme bonheur un loisir nonchalant, et l’alternation des excès de table avec d’autres excès, cherche un bon garant pour une mauvaise cause. Dès son entrée en ce lieu où l’attire un nom séduisant, il suit le plaisir, non pas celui dont il entend parler,