Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/341

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ce qui est commandé ; s’il marche à contre cœur, il n’en est pas moins enlevé pour l’exécution des ordres. Or, quelle déraison y a-t-il à se faire traîner plutôt que de suivre ? La même, en vérité, que si, par folie et par ignorance de notre condition, vous allez vous affliger de ce qu’il vous arrive quelque chose de pénible, ou vous étonner, ou vous indigner, de ces accidents qu’éprouvent les bons comme les méchants, je veux dire, des maladies, des trépas, des infirmités, et des autres évènements qui viennent assaillir la vie humaine. Tout ce qu’il faut souffrir d’après la constitution de l’univers, qu’un grand effort l’arrache de l’âme. Voici le serment par lequel nous avons été engagés : supporter la condition de mortel, et ne pas être troublé par les choses qu’il n’est pas en notre pouvoir d’éviter. C’est dans un royaume, que nous sommes nés : obéir à Dieu, voilà notre liberté.

XVI. Ainsi donc, c’est dans la vertu, qu’est placé le vrai bonheur. Mais que vous conseillera-t-elle ? De ne regarder comme un bien, ou comme un mal rien de ce qui ne résultera ni de vertu, ni de méchanceté ; ensuite, d’être inébranlable, même en face d’un mal provenant du bien ; enfin, autant que cela est permis, de représenter Dieu21. Et pour une telle entreprise, quels avantages vous sont promis ? Ils sont grands, ils égalent ceux de la Divinité. Vous ne serez forcé à rien, vous ne manquerez de rien ; vous serez libre, en sûreté, à l’abri de tout dommage ; vous ne tenterez rien en vain ; rien ne vous sera défendu, tout vous réussira selon votre pensée ; il ne vous arrivera rien qui soit un revers, rien qui contrarie votre opinion et votre volonté. Qu’est-ce à dire ? La vertu suffit-elle donc pour vivre heureux ?