Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/355

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prendre un grand essor34. Vous autres, qui haïssez la vertu et son adorateur, vous ne faites rien de nouveau : On sait que les yeux malades redoutent le soleil : on voit se détourner de l’éclat du jour les animaux nocturnes, qui, à ses premiers rayons, sont frappés de stupeur, et vont çà et là s’enfoncer dans leurs retraites, se cacher dans quelques trous, parce qu’ils ont peur de la lumière. Hurlez, exercez votre malheureuse langue à outrager les gens de bien ; poursuivez de près ; mordez, tous à la fois ; vous briserez vos dents beaucoup plutôt que vous ne les imprimerez35. « Pourquoi celui-là est-il plein d’ardeur pour la philosophie, et vit-il en homme si opulent ? Pourquoi dit-il qu’on doit mépriser les richesses, et en a-t-il ? La vie doit être méprisée, suivant son opinion, et cependant il vit ; la santé doit être méprisée, et cependant il la ménage avec le plus grand soin : c’est la meilleure, qu’il veut de préférence. L’exil aussi n’est, à l’entendre, qu’un vain nom, et il dit : Quel mal est-ce, en effet, que de changer de pays ? Mais pourtant, si faire se peut, il vieillit dans sa patrie. Le même décide qu’entre un temps plus long et un temps plus court, il n’y a nulle différence ; cependant, si rien ne l’en empêche, il prolonge ses jours, et, dans une vieillesse avancée, il conserve paisiblement sa verdeur. » Oui sans doute, il dit que ces choses-là doivent être méprisées : ce n’est point pour ne les avoir pas, c’est pour ne pas les avoir avec inquiétude. Il ne les chasse pas loin de lui ; mais pendant qu’elles s’en vont, il les suit par derrière avec sécurité. Et, en vérité, où la fortune déposera-t-elle plus sûrement les richesses, que dans un lieu d’où elle doit les retirer sans que se plaigne celui qui les rendra ? M. Caton36, lorsqu’il vantait