Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/405

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circonstance. » Zénon dit : « Le sage approchera des affaires publiques, à moins d’en avoir été empêché7. » Le premier fait résulter le repos, d’une résolution prise d’avance ; le second le déduit d’une cause accidentelle. Or, cette cause embrasse une grande étendue : si l’état est trop corrompu pour que l’on puisse le secourir, s’il est envahi par les méchans, le sage ne fera point des efforts qui seraient superflus ; il n’ira pas non plus, sans pouvoir servir à rien, se consumer, s’il n’a que peu d’autorité on de forces ; d’un autre côté, l’état ne devra point l’admettre au maniement des affaires, s’il est d’une santé qui s’y oppose. Comme le sage ne lancerait pas à la mer un vaisseau fracassé, comme il ne s’enrôlerait pas pour la guerre, étant débile, de même, s’il est question d’une vie qu’il saura ne pas lui convenir, il n’en approchera point. Ainsi donc, celui pour lequel toutes choses sont encore entières peut aussi, avant de subir l’épreuve d’aucune tempête, se tenir en un lieu de relâche, et de prime abord, se confier à un nouvel apprentissage ; il peut couler tous ses jours dans ce repos heureux, eu cultivant les vertus, qui sont susceptibles d’être pratiquées, même par les gens les plus tranquilles. Voici, en effet, ce qui est exigé de l’homme : c’est qu’il soit utile aux hommes8 ; s’il se peut, à beaucoup ; s’il se peut moins, à quelques-uns ; si moins, aux plus proches ; si moins encore, à lui-même. Oui, lorsqu’il se met en état de servir les autres, c’est de l’affaire commune, qu’il s’occupe. Comme celui qui se rend plus vicieux, ne se nuit pas à lui seul, mais nuit encore à tous ceux que, devenu meilleur, il aurait pu servir, de même, si quelqu’un mérite bien de sa propre personne, en cela il sert les autres, parce qu’il prépare un homme qui les servira.