Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/43

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fans entre eux créent des magistratures23 ; ils ont leurs robes prétextes, leurs faisceaux, leur tribunal ; les hommes, au Champ-de-Mars, au forum, au sénat, jouent sérieusement les mêmes jeux. Avec du sable entassé sur le rivage, les enfans élèvent des simulacres de maisons ; les hommes, pensant faire merveille, s’occupent de pierres y de murailles, d’édifices, et changent en masses ruineuses et menaçantes24 ce qui devait abriter leurs personnes. Enfans ou hommes faits, les illusions sont les mêmes : seulement les nôtres ont des objets différens et entraînent plus de maux. Le sage a bien raison de prendre les offenses des hommes comme des jeux d’enfans : quelquefois il sévit contre eux, et leur inflige, comme à ces derniers, des punitions qui les éclairent, non qu’il ait reçu l’injure, mais parce qu’ils l’ont faite, et pour qu’ils n’y retombent plus. Ainsi l’on dompte certains animaux en les frappant ; on ne s’irrite pas lorsqu’ils refusent de se laisser monter, mais on leur impose le frein, afin que la douleur surmonte leur naturel farouche. Ainsi se trouve aussi résolue cette objection qu’on nous fait : pourquoi, si le sage ne reçoit ni injure ni offense, en punit-il les auteurs ? Il ne se venge pas, il les corrige.

XIII. Et pourquoi croiriez-vous le sage incapable de cette fermeté quand vous la trouvez chez d’autres hommes dont les motifs sont si différens ? Jamais le médecin se met-il en colère contre un frénétique24 ? les imprécations du fiévreux auquel il défend l’eau froide, les prend-il en mauvaise part ? Le sage est pour tous les hommes dans la même disposition que le médecin pour ses malades, dont il ne dédaigne pas de toucher les parties les plus déshonnêtes pour y appliquer le remède, ni d’examiner les déjections et les sécrétions, ni d’essuyer la fureur,