Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/99

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périté ; elle est plus en évidence, sur un terrain élevé que dans une situation ordinaire. Quant à la clémence, quelle que soit la demeure dans laquelle elle pénètre, elle y apporte le bonheur et la tranquillité ; mais dans le palais des rois elle est d’autant plus admirable, qu’elle y est plus rare. Qu’y a-t-il en effet de plus admirable que de voir un prince dont la colère ne rencontre pas d’obstacle15, dont les arrêts les plus rigoureux sont accueillis sans murmure par ceux mêmes qu’ils frappent ; que, dans l’accès de sa colère, on n’ose interroger et l’on ne tente pas même de fléchir, parvenir à se mettre un frein à lui-même, n’exercer sa puissance qu’avec bonté et douceur ; et cela parce qu’il se dit intérieurement : il n’y a personne qui ne puisse donner la mort contre la loi ; je suis le seul qui puisse sauver malgré elle ?

La grandeur de l’âme doit répondre à celle de la fortune : si la première n’égale pas la seconde, si même ne la surpasse, elle la met avec elle plus bas que la terre. Or, le propre de la grandeur d’âme est le calme, la tranquillité et le mépris avec lesquels elle regarde des injures et des offenses qui ne peuvent atteindre jusqu’à elle. Il faut laisser aux femmes les emportements de la colère.

Les bêtes féroces seules (et ce ne sont pas celles qui appartiennent aux espèces généreuses) mordent avec furie et accablent un ennemi terrassé. Les éléphants et les lions abandonnent leur adversaire dès qu’ils l’ont renversé ; l’acharnement n’appartient qu’aux animaux les plus méprisables. Une colère cruelle et inexorable est indigne d’un roi ; il renonce à sa supériorité, en se rabaissant, par son emportement, au niveau de celui qui en est l’objet. Que si, au contraire, il accorde la vie, s’il