Page:Sénèque - Œuvres complètes, trad. Baillard, tome I.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
111
CONSOLATION A MARCIA.

aux espérances d’aucune ; et l’impudeur de quelques-unes ayant été jusqu’à lui faire des avances, il rougit36, comme d’une faute d’avoir plu. Cette pureté de mœurs le fit, à peine adolescent, juger digne du sacerdoce : le suffrage maternel l’appuyait sans doute ; mais le crédit même de sa mère ne devait prévaloir que pour un candidat méritant.

Faites-le revivre en vous par la contemplation de ses vertus, qu’il vous semble à présent plus que jamais à vous ; il n’a plus rien qui le distraie de sa mère ; désormais plus de sollicitudes ni de chagrins à cause de lui. Tout ce que vous pouviez pleurer d’un si bon fils, vous l’avez pleuré ; le reste est à l’abri du sort et pour vous plein de charmes, si vous savez jouir de ce fils, si ce qu’il y eut en lui de plus précieux est bien compris par vous. Son image seule a péri, et son image peu ressemblante ; lui, maintenant immortel, en possession d’un état meilleur, débarrassé de fardeaux étrangers, il est tout à lui-même. Ces os, que vous voyez entourés de muscles, cette peau qui les recouvre, ce visage, ces mains, ministres du corps, et enfin toute l’enveloppe humaine, ne sont qu’entraves pour l’âme et que ténèbres. Elles accablent l’esprit, elles l’offusquent, le souillent et, le détournant du vrai, son domaine, le plongent dans le faux : toutes ses luttes sont contre cette37 chair qui lui pèse, qui tend à l’enchaîner et à l’abattre. Il veut s’élancer aux régions d’où il est sorti, où l’attendent l’éternelle paix et, après le chaos et la nuit, le spectacle de la pure lumière.

XXV. Ce n’est donc pas au tombeau de votre fils qu’il vous faut courir. Là ne gît qu’une grossière dépouille, pour lui si incommode, des cendres, des ossements, qui ne faisaient pas plus partie de Métilius que sa tunique et ses autres vêtements extérieurs. Sans rien perdre ni rien laisser de lui sur cette terre, il a fui, il s’est envolé tout entier : et, après avoir quelque temps séjourné sur nos têtes, le temps de se purifier des vices inhérents à toute vie mortelle et de secouer leur longue souillure, il est monté au plus haut des cieux où il plane entre les âmes fortunées, admis dans la société sainte des Scipions, des Catons, ces grands contempteurs de la vie, que la mort, leur bienfaitrice, est venu affranchir. Là votre père, Marcia, quoique tous soient de la même parenté, s’unit plus intimement encore à son petit-fils ravi d’une clarté nouvelle ; il lui développe la marche des astres qui l’avoisinent, et non plus par des conjectures, mais par la science universelle du vrai, il se plaît à l’initier dans les secrets de la nature. Et de même