Page:Sénèque - Œuvres complètes, trad. Baillard, tome I.djvu/236

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DE LA CONSTANCE DU SAGE
OU
QUE LE SAGE N’EST PAS ATTEINT PAR L’INJURE.

I. Il y a entre les stoïciens, Sérénus, et les autres sectes qui font profession de sagesse, autant de différence qu’entre l’homme et la femme, je crois pouvoir le dire : car bien que les deux sexes contribuent dans la vie commune pour une part égale, celui-ci est né pour obéir, celui-là pour commander1. Les autres philosophes ont trop de mollesse et de complaisance, à peu près comme ces médecins domestiques et faisant partie de nos gens, qui donnent aux malades, non les meilleurs et les plus prompts remèdes, mais ceux qu’on veut bien souffrir. Les stoïciens, prenant une voie plus digne de l’homme, ne s’inquiètent point qu’elle paraisse riante à ceux qui s’y engagent : ils veulent au plus tôt nous tirer de péril et nous conduire à ce haut sommet tellement hors de toute atteinte qu’il domine la Fortune elle-même. « Mais la route où ils nous appellent est ardue, hérissée d’obstacles ! » Est-ce donc par la plaine qu’on gagne les hauteurs2 ? Et même cette région n’est pas si abrupte que quelques-uns se la figurent. À l’entrée seulement sont des pierres et des rocs inabordables au premier aspect : ainsi mainte fois on croit voir de loin des masses taillées à pic et liées entre elles, tant que la distance abuse les yeux. Puis à mesure qu’on approche, ces mêmes lieux, dont une erreur de perspective avait fait un seul bloc, insensiblement se dégagent ; et ce qui, dans l’éloignement, semblait tout escarpé, se trouve être une pente assez douce.

Dernièrement, lorsque nous vînmes à parler à M. Caton, tu t’indignais, toi que révolte l’injustice, que son siècle eût si peu compris ce grand homme, et qu’un mortel supérieur aux Pompée, aux César eût été ravalé au-dessous des Vatinius ; tu trou-