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APOTHÉOSE BURLESQUE DU CÉSAR CLAUDE,
VULGAIREMENT DITE
APOKOLOKYNTOSE[1].

I. Que s’est-il passé dans le ciel, le troisième jour avant les Ides d’octobre, sous les consuls Asinius Marcellus et Acilius Aviola, en l’année d’avénement, à l’aurore du plus fortuné des siècles ? Voilà ce que je veux transmettre à la mémoire des hommes. Je ne sacrifierai ni à la haine ni à la reconnaissance. Je dirai la pure vérité : si on me demande d’où je la tiens, je puis d’abord, si je veux, ne pas répondre. Qui m’y forcerait ? Ne sais-je pas que je suis libre à dater du jour où trépassa celui qui avait justifié le proverbe : Il faut naître ou monarque ou fou[2] ? S’il me plaît de répondre, je dirai ce qui me vient sur les lèvres. A-t-on jamais exigé d’un historien des cautions sous serment ? Toutefois, s’il est nécessaire de produire mon garant, demandez à l’homme qui a vu Drusilla en route pour l’Olympe[3] : le même vous dira qu’il a vu Claude y monter aussi d’un pas fort inégal[4]. Bon gré, mal gré, mon témoin doit voir tout ce qui se fait là-haut. Il est inspecteur de la voie Appia, par où vous savez que le

  1. Mot forgé qui veut dire : Apothéose d’une citrouille, et non pas Métamorphose (de Claude) en citrouille, comme on l’interprétait jusqu’ici contrairement au récit de l’auteur.
  2. Parce que les fous et les rois se permettent tout. Érasm. Adag. I, 501.
  3. Livius Géminus, sénateur, qui jura en plein sénat avoir vu monter au ciel Drusilla, sœur de Calligula, lequel l’en récompensa par un don de 250 mille deniers (175 000 fr. à peu près).
  4. Énéide, II, 727. Claude était boiteux.