Page:Sénèque - Œuvres complètes, trad. Baillard, tome I.djvu/303

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
266
APOKOLOKYNTOSE.


divin Auguste et Tibère César sont allés chez les dieux. Questionnez-le, seul à seul il vous contera la chose ; devant plusieurs jamais il n’en sonnera mot. Car depuis qu’en plein sénat il a juré avoir vu Drusilla faire son ascension, et que pour prix d’une si bonne nouvelle, nul n’a voulu le croire, lui témoin oculaire, il a solennellement protesté qu’il ne révélerait plus rien, eût-il vu même en plein forum un homme assassiné. C’est de lui que j’ai su tous les faits, certains, clairs comme le jour : je vous les livre, et sur ce, lui souhaite santé et prospérité.

 
II.

Un cercle plus étroit, Phébus, bornait ton cours ;
Triomphante, Cynthie empiétait sur les jours ;
De pavots plus puissants la nuit venait armée.
L’automne aux doux trésors et le dieu des coteaux
Voyaient froisser déjà leur couronne entamée ;
Et sur les ceps tardifs la grappe clairsemée,
Ridée au vent d’hiver, tombait sous les ciseaux.

On me comprendra mieux, je crois, si je dis qu’on était en octobre, au troisième jour des Ides d’octobre1. L’heure, je ne puis bien la préciser 2. On aurait moins de peine à mettre d’accord les philosophes que les horloges : toutefois, c’était entre six et sept. « Malappris que tu es ! Quand les poëtes s’étendent si complaisamment sur leur thème, que non contents de décrire le lever, le coucher du soleil, ils ne peuvent même laisser en paix son midi 3, toi tu laisseras passer une heure si heureuse pour le vers ? »

Phébus avait franchi la moitié de son tour.
Déjà voisin du soir, dans les célestes plaines
Sur ses coursiers lassés il agitait les rênes,
Et d’obliques rayons dorait encor le jour.

III. Et Claude faisait effort pour rendre son âme qui ne trouvait pas d’issue. Mercure, que cette nature originale avait toujours charmé, tire à part une des trois Parques et lui dit : « Pourquoi, femme impitoyable, permets-tu que ce malheureux soit ainsi torturé ? Il ne fallait pas le faire souffrir si longtemps : voilà soixante-quatre ans que son souffle et lui sont en lutte. Pourquoi lui en veux-tu, à lui et à l’Empire ? Souffre que les astrologues disent une fois la vérité, eux qui, depuis qu’on l’a fait prince, l’enterrent chaque année, chaque mois. Au reste, rien d’étonnant qu’ils se trompent : nul n’a su