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XXX
NOTICE SUR LA VIE


que cet homme ignorant de la vraie religion ? Il a touché la source même de la vérité, qu’il eût suivie sans doute, si quelque guide la lui eût montrée. » (Liv. VI, chap. xxiv.) « Bossuet, si versé dans toute antiquité, avec une imagination si amie de toute grandeur, n’a rien dit de cette communication prétendue dans les pages incomparables et toutes pleines d’allusions romaines qu’il a écrites sur saint Paul[1] ». Sénèque lui-même ne fait nulle part mention des chrétiens ; il n’a parlé que des Juifs avec lesquels il les confondait, comme Tacite, Pline le jeune et les Romains les plus éclairés, longtemps après lui, le faisaient encore ; et ses rares allusions à leur culte sont empreintes d’une moqueuse ironie. On a allégué des mots, des phrases, des idées de Sénèque qui se rapprochent plus ou moins de certains passages de saint Paul ; mais beaucoup de ces phrases ou sont mal interprétées ou offrent un sens philosophique tout contraire au sens chrétien ; et outre qu’une grande partie des idées de l’auteur se retrouve dans les poëtes et philosophes grecs ou latins antérieurs à lui et dans les déclamateurs même de son temps, comme on peut le voir dans nos notes, nombre de ces idées, et des plus marquantes, appartiennent aux traités publiés par Sénèque avant les évangiles ou les épîtres de saint Paul. Et l’on sait d’ailleurs que les évangiles et les épîtres, depuis même leur apparition, sont restés fort longtemps secrets pour le public lettré, pour les profanes. Les livres de Sénèque publiés avant les livres saints sont : le Traité de la colère, la Consolation à Marcia, la Consolation à Helvia, la Consolation à Polybe. Aucune différence sensible ne distingue ces premiers ouvrages du philosophe de ses derniers, sous le rapport spiritualiste et religieux. L’hymne stoïcienne de Cléanthe, si antérieure dans l’ordre des temps, est, quant

  1. Rapport de M. Villemain à l’Académie française (1854). On peut consulter en outre une excellente Étude critique sur les rapports supposés entre Sénèque et saint Paul, par M. Ch. Aubertin (1 vol., 1857), où les opinions de M. Amédée Fleury sont savamment réfutées.