Page:Sénèque - De la vie heureuse.djvu/6

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où, les masses se refoulant sur elles-mêmes, nul ne tombe sans faire choir quelque autre avec lui ; les premiers entraînent la perte de ceux qui suivent ; de même, dans tous les rangs de la vie, nul ne s’égare pour soi seul : on est la cause, on est l’auteur de l’égarement des autres. Car il n’est pas bon de s’attacher à ceux qui marchent devant ; et comme chacun aime mieux croire que juger, de même au sujet de la vie, jamais on ne juge, on croit toujours : ainsi nous joue et nous précipite l’erreur transmise de main en main, et l’on périt victime de l’exemple. Nous serons guéris à condition de nous séparer de la foule ; car tel est le peuple : il tient ferme contre la raison, il défend le mal qui le tue. Aussi arrive-t-il ce qui a lieu dans les comices, où les électeurs eux-mêmes s’étonnent d’avoir choisi tel ou tel préteur, quand la faveur capricieuse a fait un retour contraire. On approuve et on blâme tour à tour les mêmes choses ; telle est l’issue de tout jugement où la majorité décide.


II. Quand c’est de la vie heureuse qu’il s’agit, ne va pas, comme lorsqu’on se partage pour aller aux voix, me répondre : « Ce côté-ci paraît le plus nombreux. » Par là même