Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/108

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à supporter cette mort précoce et impunie, que son fils en avait mis à proposer ses lois.

Vous vous réconcilierez avec la fortune, ô Marcia, si les coups dont elle a frappé les Scipions, les mères, les fils des Scipions, et jusqu’aux Césars ! sont les mêmes dont elle vous a frappée. La vie est à chaque pas semée d’embûches ennemies ; avec elle point de longue paix, je dirais presque point de trêve : et vous aviez quatre rejetons. Rappelez-vous l’adage vulgaire : Sur des rangs épais, aucun trait ne porte à faux. Ce serait merveille que tout ce nombre eût passé sans échec sous l’œil jaloux du destin. Son injustice, dites-vous, n’est pas tant d’avoir ravi vos enfants que d’avoir choisi vos fils. Non, vous ne pouvez trouver injuste que le plus fort fasse au plus faible part égale : il vous laisse deux filles, et de ces filles deux petits-fils ; et ce fils même, que vous pleurez maintenant jusqu’à ne plus songer au premier, elle ne vous l’a pas enlevé tout entier ; il vous reste de lui deux filles, souvenir accablant si vous faiblissez, grande consolation si vous reprenez courage. Grâce à ce même destin, en retrouvant en elles les traits de leur père, vous oubliez sa cruelle perte. L’agriculteur, qui voit ses arbres abattus, déracinés par les vents, ou fracassés par le choc irrésistible d’un tourbillon subit, soigne précieusement les rejets qui survivent ; à la place du tronc qui n’est plus, il en répartit la semence et les plants nouveaux, et en un moment (car le temps, si prompt à détruire, ne l’est pas moins à édifier), ces jeunes sujets grandissent plus beaux que les premiers. Remplacez Metilius par ses filles, et comblez ainsi le vide de votre maison ; que cette double consolation adoucisse le regret d’un seul.