Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/33

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furent dotées aux dépens du trésor public, parce que leur père ne leur avait rien laissé. N’était-il pas bien juste que le peuple romain, qui tirait tous les ans un impôt de Carthage, fût une fois tributaire de Scipion ? Heureux les époux de ces filles auxquelles le peuple romain tenait lieu de beau-père ! Estimez-vous plus fortunés ces hommes qui donnent à leurs comédiennes un million de sesterces en les épousant, que Scipion, dont les filles recevaient une modique dot du sénat, leur tuteur ? Ose-t-on dédaigner la pauvreté devant les portraits de ces illustres personnages ? Un exilé peut-il s’indigner d’être privé de quelque chose, quand Scipion manque de dot pour ses filles, Regulus d’un homme à gages, Menenius d’argent pour ses funérailles ? Les secours accordés à ces grands hommes ne furent-ils pas d’autant plus honorables, que leur indigence était réelle ? Voilà des défenseurs qui préservent la pauvreté d’outrage ; que dis-je ? des patrons qui lui méritent même la faveur.

XIII. « Mais, dira-t-on, pourquoi séparer subitement des maux qui, pris à part, sont tolérables, et, réunis, ne le sont plus ? Le déplacement est supportable, si l’on se borne à changer de pays ; la pauvreté est supportable, si elle n’est pas jointe à l’infamie, capable seule d’abattre l’énergie de l’âme. » Voici ce que j’ai à répondre à qui cherche ainsi à m’épouvanter de la multitude des maux : Ayez assez de force pour résister à chacun des coups de la fortune ; vous n’en manquerez pas contre tous ensemble. Quand une fois la vertu a corroboré notre âme, elle la rend invulnérable de tous les côtés. Que la cupidité, la plus violente peste du genre humain, ne vous retienne plus, l’ambition ne vous arrêtera pas. Regardez votre dernier