Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/361

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[31] XXXI. Embrassons par la pensée deux républiques : l'une est grande et vraiment chose publique ; elle renferme les dieux et les hommes; là, ce n'est pas à tel ou tel coin de la terre, que nous avons égard, c'est par le cours entier du soleil, que nous mesurons les confins de notre cité ; l'autre est la république à laquelle nous attacha le sort de notre naissance. Cette dernière sera celle, ou d'Athènes, ou de Carthage, ou de quelque autre ville qui n'ait pas rapport à tous les hommes, mais qui n'en concerne qu'un certain nombre. Quelquesuns travaillent en même temps pour l'une et pour l'autre république, pour la grande et pour la petite; d'autres, seulement pour la petite ; d'autres, seulement pour la grande.

Cette grande république, nous pouvons la servir tout aussi bien au sein du repos, je ne sais même si ce n'est mieux, en examinant les questions que voici : Qu'est-ce que la vertu ? en est-il une seule, ou plusieurs? Est-ce la nature, ou l'art, qui fait les gens de bien ? Est-il unique, ce corps qui embrasse les mers et les terres, et les êtres accessoirement unis, soit à la mer, soit à la terre, ou bien, Dieu a-t-il semé dans l'espace beaucoup de semblables corps? Est-ce un tout continu et plein, que la matière de laquelle sont formés tous les êtres en naissant, ou bien, est-elle distribuée çà et là, et le vide a-t-il été incorporé aux solides ? Dieu, restant assis devant son ouvrage, le considère-t-il, ou bien, le met-il en action? Dieu est-il répandu au dehors et tout autour, ou bien, intimement lié à l'ensemble? Le monde est-il immortel, ou bien, est-ce parmi les choses périssables, et nées pour un temps, qu'il faut le compter?

Celui qui se livre à de telles contemplations, quel mérite a-t-il envers Dieu ? le mérite d'empêcher que ses oeuvres si