Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de son père ; il ne respire plus. Maintenant c’est contre son épouse qu’il brandit sa pesante massue ; il lui brise les os ; sa tête, séparée, manque au tronc, et ne peut se retrouver nulle part. Ô malheureuse et trop longue vieillesse ! peux-tu bien contempler ce spectacle ? Si ma douleur t’irrite, je suis prêt à mourir ; prends-moi pour but de tes flèches, ou tourne contre moi cette massue, couverte du sang des monstres ; délivre-toi d’un homme qui n’est pas ton père, et dont le nom déshonorerait ta gloire.

THÉSÉE.

Pourquoi, malheureux vieillard, vous offrir de vous-même à la mort ? que voulez-vous faire ? fuyez, cachez-vous, épargnez un crime à la main d’Hercule.

HERCULE.

C’est bien. J’ai entièrement détruit la famille d’un odieux tyran. C’est à toi, épouse de Jupiter, que je viens d’immoler ces victimes ; mes vœux étaient dignes de toi, je les accomplis sans regret ; je trouverai dans Argos d’autres victimes à t’offrir.

AMPHITRYON.

Ton sacrifice n’est pas complet, mon fils ; il faut l’achever. La victime est au pied des autels ; la tête inclinée, elle n’attend que la main qui doit l’immoler. Me voici, j’appelle, je provoque tes coups. Frappe donc. Mais quoi ! sa vue se trouble, un nuage de douleur se répand sur ses yeux, sa main tremble ! le sommeil descend sur lui, sa tête fatiguée s’incline et se penche sur sa poitrine. Ses genoux s’affaissent, et le voilà qui roule à terre de tout son poids, comme un orme qui tombe dans les forêts, comme une digue jetée à la mer pour y