Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/141

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qui donnes aux mortels tremblans à l’idée du trépas un avant-goût de la mort véritable, embrasse tout son corps de tes fortes étreintes ; qu’un assoupissement profond enchaîne ses bras invincibles, et ne cesse point de peser sur sa large poitrine jusqu’à ce que sa raison ait repris son cours accoutumé.


Le voilà étendu sur la terre ; des songes affreux s’agitent dans son cœur ; le transport furieux qui s’est emparé de lui n’est pas encore apaisé. Habitué à reposer sa tête fatiguée sur sa lourde massue, il étend vainement sa main pour la saisir, et ses bras s’agitent en mouvements inutiles. Tout le feu de sa rage n’est pas éteint, mais l’orage gronde encore dans son âme, comme sur une mer qui, battue par des vents impétueux, conserve long-temps l’agitation de ses flots, et s’enfle encore lorsque déjà le vent ne la soulève plus. Apaise les vagues émues de son âme. Rends-lui sa douceur et sa vertu première. Ou plutôt laisse-lui le trouble de son cœur, et donne un libre cours à son triste délire. La folie seule, ô Hercule, peut te justifier désormais. Après le bonheur de garder ses mains pures, c’en est un encore d’ignorer ses crimes.


Maintenant, malheureux, frappe à grands coups ta poitrine ; que ces mains victorieuses tournent leurs