Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/155

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lement sa colère a changé d’objet, et, par un effet naturel de la folie, c’est contre lui-même qu’elle se tourne.

HERCULE.

Sombre demeure des Furies, prison des enfers, cachots réservés aux coupables, lieux plus profonds que l’Érèbe, s’il en est, lieux inconnus de Cerbère et de moi, c’est dans vos ténèbres qu’il faut me cacher : je veux descendre dans les derniers gouffres du Tartare, pour n’en plus remonter. Ô cœur féroce et barbare ! pauvres enfans, semés en lambeaux par tout ce palais ! qui pourrait vous donner assez de larmes ? Mes yeux, indociles à la douleur, n’en savent point verser. Qu’on m’apporte une épée, qu’on me donne mes flèches et ma lourde massue. Pour toi je briserai mes flèches, ô mon fils ; pour toi je romprai mon arc ; pour toi je brûlerai cette massue qui servira de bois pour ton bûcher ; ce carquois même tout rempli de flèches trempées dans le sang de l’hydre de Lerne, je le jetterai dans les flammes. Il faut punir mes armes ; et vous, qui les avez déshonorées, je vous brûlerai aussi, mains fatales, instrumens de la haine de Junon.

THÉSÉE.

Qui donna jamais à l’erreur le nom de crime ?

HERCULE.

Quand l’erreur va si loin, elle est bien près du crime.

THÉSÉE.

C’est maintenant que tu dois déployer toute ta force, en portant le poids de ton infortune.

HERCULE.

La fureur ne m’a pas ôté encore toute honte, pour